


Mylène chantonnait la musique au creux de son oreille avant de s’asseoir en face.
Les deux femmes se regardaient à profiter d'un petit rien qui faisait tout.
Quelle apparence singulière... Cinq minutes. C'est peut-être ça l'aperçu d'un bonheur, méditait Mylène qui zyeutait Nath de haut en bas.
Son amie, les paupières closes, les bras en croix, s'imprégnait de ces ondes positives. Tout était à sa juste place. Le son, la présence de la chanteuse, le soir, le tout mélangé, agréable qu'à cet instant, les tracas devenaient des plaisanteries, des paperasses passées dans le mixeur à tendresse.
- On ne sort pas indemne de son passé, n’est-ce pas ?
Frayance fronçait son sourcil fendu par sa cicatrice qu’il fixait sans retenue.
– Pour le Dislock Parc, c’est pareil. Il est hanté par ses démons. C’est ce qui sert de support pour la guérison vous savez les démons. Et ils ne peuvent que prendre forme dans une part d’ombre. La rareté est nécessaire pour se forger un nouveau soi. La rareté du monde. Comme je vous l’ai dit, vous ne croiserez personne. Presque personne.
- Vous pensiez que l'on invoque un esprit sans avoir à faire à tous les autres ? Vous pensiez que l'on ouvre une porte sur le royaume des morts par simple plaisir d'avoir un message sans qu'aucun problème ne se présente ?
– Je... enfin... Je pensais...
– Vous vous trompez ! Vous avez eu votre dose, je vous l'accorde mais ces choses-là, quand elles sont faites sérieusement, je veux dire réellement, sont TRÈS loin d'être anodines. On ne réveille pas les morts sans prendre le risque de conséquences sévères. Qui sont parfois... Allez, vous me semblez sympathique, je vous le dis, qui sont parfois à la limite de la folie totale la plus abjecte. Ces choses-là ne sont jamais sans risque. Vous comprenez ? Ce sont des actes fragiles dont il faut TOUJOURS se méfier et ne pas prendre à la légère.
Pour tenter de se rendormir après ce combat aveugle, Mylène se blottit contre Nath. Serrées, ce moment contrastait d'avec le quart d'heure d'avant. Nath en avait ces petites choses au ventre que connaissent les femmes. Petites dizaines de bougies agréables, de celles qui pétillent aux entrailles. Sa peau lisse contre la sienne : un secret de Sentiments où la valeur n'est pas dans la nudité des corps. La Présence.
– Ligeia, une Sainte torturée à mort par son voisin. Elle a été retrouvée dans sa baignoire noyée dans son propre sang. La Police a retrouvé son mari qui veillait sur elle. Il se balançait sur une chaise en paille. Il était devenu fou ! Dans la nuit où le corps de Ligeia reposait à la morgue, des caméras ont filmé l'autopsie retransmise en direct par visioconférence à plusieurs dizaines de kilomètres de là aux gendarmes et au Saint-Siège du Vatican. Tu penses ! Vu sa réputation de son vivant, ils s'attendaient tous à un miracle en Live !
- Les pièces interdites sont celles présentes à l’extrémité de chaque étage. Je vous demande de ne pas vous y rendre. Sous aucun prétexte.
– Pourquoi ? Il se cache quoi là-dedans ? Des monstres ?
L’agent se dirigea vers la sortie avec cette froideur d’un mort qu’il véhiculait depuis le début.
– Et comment je fais pour vous joindre ? Je n’ai pas le numéro du manoir Catharsis ?
– C’est moi qui vous joindrai, dit-il en refermant la porte sur lui. Une dernière chose, on a tous en nous des épreuves, des obstacles cachés. Ce qu’il faut c’est ne pas nous laisser submerger. J’espère que votre séjour vous donnera satisfaction.
– Oui... givre-moi.
Nath la dévisagea sur ces mots équivoques et s'aperçut de l'état dans lequel Mylène se trouvait : enflammée.
– Je veux dire : givre-moi le citron... enfin le truc, le verre, là avec le citron.
Nath pressa le citron dans l'assiette en jetant un œil à Mylène toujours aussi bouillante. Puis elle prit les verres dans chacune de ses mains et tourna bien le tour dans le jus puis dans l'assiette de sel. L'instant leur montait à toutes les deux des idées de seins enveloppés avec tout le piquant du silence et du bruit des cristaux de sel.
– On va avoir besoin de glaçons, déclama Nath comme on expire l'insoutenable.
– Je crois aussi... Trois pour moi s’il te plaît. C'est fou comme il fait chaud à cette heure ici, tu ne trouves pas ? interrogea Mylène en se passant la main dans la nuque.
Nath faisait les gros yeux de sentir Mylène si torride.